7 – La gloire de Franz Mayor de Montricher

Pourquoi le maire de Marseille Maximin Consolat est-il allé chercher un jeune ingénieur de 26 ans pour diriger le chantier du siècle ?

Pour une raison simple : Franz Mayor de Montricher a su convaincre tout le monde, y compris monsieur le maire, que son projet était le meilleur. Son audace bouscule les plans imaginés par ses aînés pour sauver les Marseillais de la sécheresse. Il se montre plus hardi que ses prédécesseurs à l’égard des obstacles naturels pour tracer les plans d’un canal de 80 kilomètres de long, nécessitant le creusement de 84 souterrains, ainsi que la construction de 12 bassins et 18 ponts-aqueducs.

 

Franz Mayor de Montricher est un phénomène. Après sa scolarité effectuée en Suisse, il rejoint son père installé comme négociant à Marseille. Il y reste deux ans avant de rallier Paris où il est admis à la prestigieuse école Polytechnique. Il termine ses études aux Ponts et Chaussées dont il sort major à 21 ans.

On s’arrache très vite le jeune ingénieur, véritable bourreau de travail. Il est sollicité pour plusieurs chantiers dont l’achèvement du tronçon de chemin de fer entre Avignon et Marseille de la ligne PLM (Paris, Lyon, Méditerranée) et bien entendu le projet de canal reliant la Durance à Marseille.

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En 1838, la construction peut commencer. Le jeune directeur s’installe au cœur du chantier, dans une bastide située à Roquefavour, à mi-distance des 80 kilomètres du tracé, ce qui lui permet d’être sur place de l’aube au crépuscule. En plus de ses capacités intellectuelles, de Montricher aime le terrain, c’est un meneur d’hommes et il sait tenir parole. Comme promis, dix ans après le début des travaux, l’eau de la Durance franchit l’aqueduc de Roquefavour et arrive enfin sur le territoire de Marseille le 8 juillet 1847.

Quinze mille Marseillais se pressent pour assister à l’événement, à la sortie du souterrain de Notre Dame de la Gavotte. Les discours sont prêts pour fêter l’abondance des eaux à leur arrivée. Mais par prudence, le fontainier a limité le débit et il ne sort en fait que quelques gouttes. Mais de Montricher ne manque pas non plus de répartie. Il lance gaiement : « Puisque la première partie du programme est loupée, ne manquons pas la seconde, tous au banquet ! ».

Six ans plus tard, De Montricher meurt de fièvre typhoïde, à 48 ans, après une inspection des travaux d’assèchement du lac Fucino, au cœur de l’Italie. La ville est meurtrie et la municipalité affrète spécialement un bateau pour ramener sa dépouille qui repose depuis au cimetière Saint-Pierre.